Mon cher vieux,
[1]
Me voici très-amer, désespéré de tout et de tous, en Art, ici.
Figure-toi, j'ai fait les gaffes immenses:
1°) d'assister à une représentation de Werther;[2] et mon pauvre vieux c'est là vraiment infect mais à tel point que vomir est trop peu; figure[-]toi je ne sais quelles salades de petites cavatines, de tonitruements de cuivre pour dire rien et de bon petits airs faciles qui vont faire s'ouvrir les pianos tout seuls.
Puis, toutes nos connaissances, elles sont pour moi ragées d'amitié aujourd'hui, se pamant, s'angoissant, défaillantes presque devant cette immonde bouillabaisse et trouvant bon de me faire part de leur admiration, de cette jeune école française!!! oh! lá! lá! et tu sais, les meilleurs ceux en lesquels quelque confiance pouvait nous rester.
2°) Egalament été à la conférence du juif Bernard Lazare,[3] qui a parlé de "la poésie nouvelle et ses tendances en France et Belgique". Il m'a fait l'honneur! de me citer ainsi que Sluyts (qui le trouve admirable) mais non ce que c'est à côté, mon pauvre vieux, on ne se figure; figure[-]toi Verhaeren loué en termes de bottier, Laforgue idem, Mallarmé mis à côté de Rodenbach et à Mockel reproché d'avoir confondu le vers avec la musique!
Et, alors, Charles[4] trouvant cette conférence extraordinaire!!! et moi après avec lui et le dit juif au Shakespeare (dont je suis parti écoeuré et bien vite je t'assure) un Monsieur figure[-]toi qui en est à gober encore "le Voyage dans les yeux" de Rodenbach!!![5]
Il n'y a plus rien à faire ici, mon cher vieux, ils sont tous crétins, crétinisants, même les nôtres: après Werther c'était prouvé et à cette heure c'est bien pis.
[2]
Je suis "répugné" coup sur coup de ces choses et me demande ce que peut bien foutre encore à Anvers "l'Association pour l'art"[].
Tous sont si loin de nous que cela devient comme un mauvais rêve et je suis convaincu que nos amis! ne font que nous plaindre et avoir pitié; il nous reste ce sentiment à exploiter, ce sera de bonne guerre, au point de vue souscriptions. —
Je suis dans une période de rage bleue, et j'en suis aux proses de "Pour la Neige"[6] où le bon mouton d'autrefois est devenu enragé. S'il te souvient de "Panurge" et de Rabelais tu te rapelleras qu'en ce voyage, celui[-]ci aborde en différentes îles; je vais reprendre cette idée et aborder moi aussi à toutes les îles d'imbécilité que je connais. Tu vois mon plan à peu près hein! et pour clôture arriver à "la neige" c'est à dire l'immaculé des purs et des vrais, le Graal qui pour être vu demande des yeux qui n'ont jamais vu la merde! A quand ton retour ici? Crois bien que je t'attends, mon très pur, en angoisse.
Max
Annotations
[1] Datering: [februari 1893]. Zie brief 10, noot 1.
[2] Werther (tekst van E. Blau, E. Milliet en G. Hartmann en muziek van J. Massenet) werd acht keer opgevoerd te Antwerpen in het Théâtre Royal d'Anvers. De première vond plaats op vrijdag 27 januari 1893, de andere voorstellingen op 31 januari, 2, 5, 10, 19, 28 februari en 12 maart. (zie De Koophandel van Antwerpen van 24, 28 en 29-30 jan. 1893, 1, 4, 5-6, 17, 28 febr. 1893 en 11 maart 1893 en de spelprogramma's van het Théâtre Royal d'Anvers in het AMVC (T 265165/S).
De voorstellingen hadden — in tegenstelling tot wat Max Elskamp laat vermoeden — wel degelijk succses. Zie daarvoor het verslag in De Koophandel van Antwerpen van 28 jan. 1893 (p. 2): "De vertolking van Werther is uitmuntend geweest en M. Massenet heeft daarover zijne voldoening herhaalde malen uitgedrukt." Het is niet duidelijk welke opvoering Max Elskamp bijwoonde, maar waarschijnlijk was het een van de eerste vier, vermits hij in deze brief ook spreekt over de voordracht die Bernard Lazare hield op 1 februari (zie [3]).
[3] Bernard Lazare gaf zijn voordracht 'La Poésie Nouvelle et ses tendances en France et en Belgique' op woensdag 1 februari 1893 om 20.30 uur in de Cercle Artistique te Antwerpen (zie De Koophandel van Antwerpen van 1 febr. 1893, p. 3).
[4] Charles Dumercy.
[5] Georges Rodenbach, Le voyage dans les yeux (Paris, Paul Ollendorff, 1893).
