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Mon cher Mane,
Ma dernière lettre t'a été écrite avant mon départ pour Florence & celle-ci te parviendra probablement à l'heure où je commencerai un nouveau voyage.
J'ai vu la Toscane[,] Lucques, Pise & Livourne en même temps que Florence[.] Je ne te parlerai guère des premières que Florence efface dans mon souvenir, bien que Pise ait un merveilleux coin où sont réunis la cathédrale, la tour penchée, le baptistère & le Campo Santo tous de marbre blanc & dont les frêles colonnettes ont sous le ciel lumineux quelque chose d'oriental.
Florence est prodigieux par son entassement d'oeuvres d'art: c'est un énorme musée & pour le bien voir il faudrait y rester un mois au moins. Je n'ai pu y rester que dix jours & je n'ai guère étudié en détail que la peinture italienne. C'est là qu'il faut la voir, dans son milieu, dans sa lumière propre, voir les fresques aussi, si importantes quand on veut connaître les "trecentisti." Je ne te détaillerai pas mes impressions à ce sujet, ce serait interminable & manquerait peut-être d'intérêt: quand je te reverrai — & j'y compte bien — l'été prochain nous en causerons à loisir & j'accompagnerai mes souvenirs de reproductions photographiques que j'ai rapportées de là-bas, toute une collection de Sandro Botticelli entre autres lequel est le plus étrange des préraphaélites. Quant à Raphaël je me suis presque réconcilié avec lui! Il a des portraits superbes[,] celui du pape Jules II par exemple.
J'ai eu d'assez mauvais temps à Florence, du brouillard, de la pluie, de froid. Cependant l'impression que fait la ville n'est jamais triste. D'abord elle est merveilleusement située, dans une large vallée claire, toute enveloppée de montagnes s'étageant jusqu'à l'horizon, qui montent en pente douce couverte d'oliviers d'un vert argenté, feuillus même en hiver, entre lesquels surgissent de blanches villas au toit bas, à l'italienne. La ville semble se prolonger au [2] loin: les routes dans la plaine sont bordées de maisons dont on voit les taches blanches à perte du vue: au Nord & au Sud se font face San Miniato & la cathédrale de Fiesole.
Les églises n'ont point la solennelle & mystérieuse allure de nos églises gothiques: elles sont de marbre, marbres blancs, noirs, rouges combinés en dessins réguliers, comme un immense ouvrage de marqueterie. Elles n'évoquent aucune idée triste ou sévère & la pensée religieuse s'efface devant l'oeuvre d'art. Le personnage dont on se soucie le plus, c'est le sculpteur qui a ciselé les tympans, tordu les colonnes, travaillé les chapiteaux, placé dans les niches des statues merveilieuses.
Il semble que jadis l'art pénétrait intimement la vie du peuple: on le rencontre partout. Sur la Piazza della Signoria, en face du Palazzo Vecchio dont les grandes pierres grises et la tour haute comme un beffroi font une sorte de forteresse, est la Loggia dei Lanzi, un vaste dais de pierre sous lequel des statues, des groupes de marbre sont exposés en plein air, aux yeux de tous: & les noms les plus célèbres sont là: Benvenuto Cellini, Donatello, Jean de Bologne[.]
Malgré tous ces souvenirs du passé, rencontrés à chaque pas la ville n'a pas l'air d'une ville morte, comme notre Bruges, ou même Gand. Elle est bien animée, bien vivante, bruyante même. Certes son mouvement n'est plus ce qu'il fut autrefois: il est devenu quelque peu vulgaire & l'on y rencontre trop d'anglaises, & — conséquence inévitable — trop de marchands de "souvenirs de Florence" trop de boutiques de mosaïques, trop de copistes de tableaux, — car les anges de Beato Angelico font aujourd'hui l'objet d'un commerce important.
— Et maintenant, devines-tu où je vais? A Nice, voir le fameux Carnaval, & aussi à Cannes, à Monaco, à Menton, à Gênes, à la Spezia, tout le long du littoral, faire toute "la Rivière" comme on l'appelle. C'est un bain que je prends dans la nature vivante, dans l'humanité d'aujourd'hui, dans notre poésie. Pourvu que Chéret ne m'ait pas trop illusionné[.]
Je pars mercredi & pour trois semaines probablement. Tu vas me demander quand on étudie à Bologne, & quand les professeurs d'Université donnent cours? De temps à autre! J'ai eu trois semaines de leçons depuis le commencement de 1893 & j'ai maintenant 4 semaines de vacances, & cela continuera de même! Aussi y a-t-il des étudiants [3] anarchistes qui ont l'envie de demander la suppression pure & simple des Universités!!
— Ta dernière lettre m'a causé bien du plaisir, d'autant plus qu'elle s'était faite longtemps attendre. J'attends avec impatience de pouvoir lire tes Blonde Gedachten dans le premier numéro de Van Nu en Straks. Ce sera comme si je recevais de tes nouvelles: on infuse quelque chose de son moi au mot.
Pour ma part j'ai bloqué pendant tout le mois: je me suis mis à la révision de mon roman, laquelle menace d'être très longue & très pénible, d'autant plus que chaque page que je refais me coûte en moyenne cinq heures & j'en ai plus de 70 à réécrire complètement & tant d'autres à corriger. Je voudrais bien en avoir fini pourtant. Quand depuis près de 3 ans on travaille à une même oeuvre, on finit par en gagner un dégoût terrible & un véhément désir de faire autre chose. Et puis à mon âge les idées changent tant!
Là-dessus, cher Mane, je te serre bien cordialement les mains & penserai bien souvent à toi des bords tièdes de la Méditerranée — Mille amitiés à Louis Franck
Ton
Giacomo

Register

Naam - persoon

Bom, Emmanuel Karel De (° Antwerpen, 1868-11-09 - ✝ Kalmthout, 1953-04-14)

Bibliothecaris, journalist en schrijver. Medeoprichter van Van Nu en Straks. Gehuwd met Nora Aulit op 24/08/1901 in Antwerpen.

Cheret, Jules (° Parijs, 1836 - ✝ Nice, 1932)

Schilder, tekenaar, lithograaf.

Dwelshauvers, (Jean) Jacques (° Brussel, 1872-07-09 - ✝ Montmaur-en-Diois (Drôme), 1940-11-14)

Kunsthistoricus en militant anarchist.

Broer van Georges Dwelshauvers en gezel van Clara Köttlitz, met wie hij in 1897 een vrij huwelijk aanging. Deed beloftevolle studies aan het Koninklijk Atheneum Brussel (afd. Latijn-Grieks), waar hij A.Vermeylen leerde kennen. Studeerde 1890-92 natuurwetenschappen aan de ULB (diploma van kandidaat in juli 1892). Met een beurs van de Jacobsstichting vatte hij in oktober 1892 studies in de medicijnen aan te Bologna, samen met de latere geneesheren Herman Köttlitz en Alfred Walravens. Hij verliet Bologna in 1897, zonder de hele cyclus te hebben beëindigd.

In hetzelfde jaar begonnen de eerste strubbelingen met Gust Vermeylen, i.v.m. diens huwelijk met Gaby Brouhon en de strekking en inhoud van Van Nu en Straks. Het jaar daarop maakte hij een nieuwe reis naar Bologna en Bergamo. In het voorjaar van 1899 trok hij met Clara naar Firenze, waar hij zich voortaan geheel aan kunsthistorisch onderzoek wijdde, geboeid door de figuur van Botticelli en de kuituur van het Quattrocento. Hij zou in Firenze ook nog de toelating hebben gevraagd zich voor de eindexamens geneeskunde aan te bieden, maar legde die nooit af. Zijn verblijf in en om Firenze (afwisselend te Calamecca en te Castello), dat tot 1906 duurde, werd regelmatig onderbroken voor reizen naar het thuisland, en naar Parijs.

In 1899 werd te Antwerpen trouwens zijn zoon Lorenzo (Jean-Jacques Erasme Laurent) geboren (op de akte tekende o.m. Emmanuel de Bom als getuige), en het gezin was er officieel ingeschreven aan de Montebellostraat 3 tot 1906. In dat jaar, verhuisden zij naar Colombes bij Parijs (Boulevard Gambetta 46, niet-geregistreerde verblijfplaats). Dwelshauvers, die zich intussen Mesnil noemde (naar twee dorpjes bij Dinant, de geboortestad van zijn vaders familie), onderhield er nauwe contacten met de anarchistische en internationalistische beweging. Hij verdiende de kost met het schrijven van reisgidsen, eerst bij Hachette (o.a. de Guide Joanne - na W.O.I Guide Bleu - over Noord-Italië), nadien bij Baedeker.

Tussen 1910 en 1914 vestigde het gezin Mesnil zich te Alfort bij Parijs, waar - gezien zijn moeilijkheden met de geheime politie - evenmin een officiële inschrijving werd genoteerd. Jacques Mesnil stierf in niet opgehelderde omstandigheden te Montmaur, waar zijn zoon toen zou hebben gewoond; hij leed toen al enkele jaren aan een hart- en nierziekte waarvoor hij o.m. door dokter Schamelhout werd behandeld. Behalve aan Van Nu en Straks werkte hij nog mee aan Mercure de France, La société nouvelle, Ontwaking, Onze kunst, Revista d'Arte, Gazette des beaux arts, Burlington Magazine, de Parijse krant L'Humanité en het Italiaanse Avanti. Een bibliografie kan men terugvinden in de geciteerde bronnen.

Franck, Louis (° Antwerpen, 1868-11-28 - ✝ Wijnegem, 1937-12-31)

Advocaat en politicus.