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BOLOGNA FERROVIA 18 2 93 3S
Monsieur Gust Vermeylen,
81 rue Pachéco
Bruxelles
Belgio
[BRUX]ELLES 1 19 [FE]VR 9-S
 
Cher Vieux — je n'ai pas encore reçu ta lettre hebdomadaire & j'ai pourtant bien besoin de recevoir des nouvelles de Bruxelles, de lire des phrases amies, de contempler des pattes de mouche sympathiques. Je me trouve dans un état d'agacement perpétuel: est-ce encore le regret du voyage manqué,[1] ou — hypothèse horriblement matérialiste — l'influence du temps, des premières "effluves printanières"? Mais qu'importe la cause: l'effet n'en est pas moins existant & très réel! La figure humaine m'agace, les indifférentes paroles que j'entends me font mal: j'ai l'envie de me terrer dans mon antre, mais en même temps j'éprouve le besoin tout contraire de me remuer, de me mouvoir au grand air. Alors je file bien loin de la ville, à travers les campagnes, sous le soleil qui toque dru. Malheureusement il dégèle, les routes sont boueuses & je patauge désespérément. Mais tout vaut mieux que d'errer à l'intérieur de la ville: je ne saurais te dire combien Bologne m'exaspère: je m'y sens à l'étroit: on ne peut y marcher une demi[-]heure sans rencontrer ces éternels murs qui enserrent si misérablement les maisons & les retranchent en quelque sorte de la libre campagne[.] Puis plus j'observe, plus je constate l'étroitesse d'idées, la circulaire bêtise propre aux villes de province: ah! la province! c'est la province en plein Bologne, ça sue, ça pue le provincialisme. Les mêmes cafés mornes où les mêmes gens désoeuvrés vont écouter la même mauvaise musique; les magasins mesquins dont les étalages sont des chefs-d'oeuvre de mauvais goût, la gêne générale de cette ville où il y a beaucoup de prétentions mais pas le moindre luxe piaffant, éclatant, ruisselant, toute cette petitesse m'exacerbe: & je la sens davantage aux jours d'hypersensibilité, aux jours où je ne suis plus préoccupé par mes seules idées, [2] où je regarde au dehors de moi-même, où j'observe l'ambiance. Cette universelle médiocrité se révèle surtout en ces temps de carnaval: certes, je ne vais à aucune de ces fêtes, mais malgré moi j'en entends causer; il y a des fêtes & réjouissances partout, mais personne n'y va: il n'y a pas d'argent & tout cela est d'un piètre & d'une bêtise à faire pleurer. Au bal masqué du théâtre hier il y avait en tout 20 personnes & on a dû renvoyer les musiciens vers deux heures faute de danseurs: on n'avait plus besoin de leurs services!
— Notre compatriote Bouttiau[2] s'est marié avant[-]hier & l'on a pu lire sur tous les murs de Bologne une affiche portant ce titre:
All egregio ingegnere Antonio Bouttiau Nel giorne delle sue nozze colla gentile signorina Livia Fantini Sonetto
Suivant le sonnet, une belle réunion de poncifs, de vieilles rengaines comme tous les sonnets de ce genre dont on fait à Bologne une consommation quotidienne considérable.
Alfred n'est pas encore revenu de Rome & je subis la compagnie de De Raet qui parle toujours des dames chez lesquelles il va passer la soirée & tâche d'insinuer qu'il a des bonnes fortunes, & de Köttlitz qui nous raconte comme quoi son frère & lui baisaient les servantes de chez eux: il a l'air de s'en vanter & a l'air d'être aussi fier de ses "aventures" que don Juan aurait pu l'être des siennes! Comme c'est intéressant la jeune bourgeoisie, les futurs médecins, ingénieurs, etc de talent, futurs hommes calés, de bons sens, électeurs censitaires, que sais-je? Et dire que pour ne pas avoir d'ennuis on doit s'abstenir de se foutre carrément de ces individus... Après tout si on se moquait d'eux ils ne le comprendraient même peut-être pas & ce serait toute peine perdue.
J'ai lu pendant deux heures de la biologie tantôt & ça a encore augmenté ma mauvaise humeur: Dieu! Que de prétentions chez ces savants pour une science encore si faible! Que d'affirmations tranchées alors qu'il n'y a pas quatre faits bien établis! Quelle suffisance! Quelle vantardise! Il y a des moments où la science — ou plutôt les hommes qui l'exercent — me dégoûtent colossalement. J'en resterais bien souvent aux monographies comme tant de piocheurs allemands: elles sont au moins impartiales & sans prétentions jobardes.
[3]
Quelle chance qu'il ait existé un Flaubert chez qui on puisse se retremper au sortir de tous ses dégoûts & oublier la bêtise humaine. Je me fourre aussi du Balzac à fortes doses: j'ai terminé l'Histoire des Treize: il y a des accessoires du roman d'aventures qui vous gênent, des poignards, du poison, des échelles, etc; mais des pages superbes quand même. La duchesse de Langeais surtout c'est fort: il y a de ces traits d'analyse étonnants, celui-ci p[ar exemple]: "Armand & Mme de Langeais ressemblaient à ces faquirs de l'Inde qui sont récompensés de leur chasteté par les tentations qu'elle leur donne."
Toute l'Italie n'est occupée que par la première représentation du Falstaff "comédie musicale" de Verdi. Elle a eu lieu hier: je ne sais trop ce qui en est advenu & m'en préoccupe médiocrement. On a payé des places 150 & 250 fr.: c'était du délire. Quels farceurs ces Italiens! Et comme on massacre Shakespeare!
Samedi 11.
J'ai reçu ce matin ta carte & attends sous peu ta lettre, non sans impatience. Idem le 1er numéro de Van Nu en Straks qui se fait désirer[.]
Rien de bien nouveau à t'apprendre: Alfred ne m'a pas encore annoncé quand il rentrerait. Le temps est superbe ici, un ciel splendide & il dégèle fermement[.]
De Raet & Köttlitz sont allés cette nuit à un grand bal masqué au Teatro Communale & ont endossé pour la première fois leurs habits, ce qui était d'un effet farce bien réjouissant. Lodewijk avec son air "endessous" & ses commencements de côtelettes avait absolument l'aspect d'un aspirant diplomate. J'ai fait la femme de chambre & me suis réjoui in petto de ne pas devoir les accompagner! Tu vois que ma "mondanité" ne croit guère ici!
Mardi 14.
Je n'ai pas encore reçu l'épître que tu m'annonçais, vieux! Aussi je continue piano piano à t'écrire.
Les réjouissances carnavalesques de Bologne s'achèvent: il y avait hier un grand Corso mascherato dalla porta d'Azeglio alla porta Saragozza, dalle 3 alle 6 pomeridiane. Ce gran corso mascherato si pompeusement annoncé consistait en quatre ou cinq vieilles charettes occupées par de crapuleux masques lesquels jetaient sur la foule très compacte du reste de grandes pelletées de plâtre! Ce n'était ni très [4] réjouissant, ni très spirituel & cependant — disons mieux: & en effet — tout Bologne était là[.]
J'ai vu aussi exposés les lots, de je ne sais plus quelle tombola, consistant en aquarelles, assiettes peintes par des jeunes filles, & autres bibelots — même de la peinture à l'huile! Tu connais les petites infâmies que les demoiselles bien perpètrent chez nous sous prétexte de peinture, lesquelles infâmies s'admirent tous les ans dans ces expositions du Cercle artistique de réjouissante mémoire! Eh bien! les dites "infâmies" sont encore des chefs-d'oeuvre, de l'art pur à côté de ce que l'on commet ici! "Oh! Nom de Dieu! de nom de Dieu de nom de Dieu!" comme dit Jean Ajalbert! Ça est indescriptible!
Alfred est revenu hier de Rome, enchanté de son voyage ayant héroïquement trimé par toute la ville, parlant forum, arcs de triomphe, colysée, capitole, voie appienne, etc[.] Il n'a pu se payer la tête du pape, mais a vu de nombreux sénateurs, députés & autres paniers percés: il a assisté à un grand veglione mascherato & s'est assez soigneusement abstenu du congrès d'étudiants. Amen!
— J'ai reçu une nombreuse correspondance cette semaine, entre autres une lettre de Legros qui ressemble à toutes ses lettres & une de Raway très aimable & toute simple[.] Tu peux dire à l'ami de Bom qu'il a la permission de m'écrire puisque je suis de retour à Bologne!
— Je lis dans la Nuova Rassegna une oeuvre nouvelle de Gabriele d'Annunzio: Il primogenito.[3] Voici le sujet de ce que j'ai lu jusqu'ici: Daniel, "il primogenito", est rappelé par sa mère dans la famille pour qu'il vienne y exercer son autorité d'aîné pour ramener le père qui se perd dans la débauche & ruine la famille. Daniel quitte sa maîtresse, revient chez lui; mais c'est un être excessivement nerveux, sans volonté, reculant devant chaque obstacle, se sentant trop faible pour accomplir sa mission de défenseur de sa famille. Autour de lui se meurent ses deux soeurs l'une mariée assez malheureusement ayant un enfant qui n'est qu'un souffle, l'autre fiancée; un frère qui seul ressemble au père & le soutient[.] C'est très "psychologique" & plus d'une fois en le lisant j'ai songé à Coupérus qui analyse lui aussi toutes ces mêmes impressions des gens nerveux, leurs peurs imaginaires, leurs maux étranges. Au surplus voici un ou deux passages que je te [5] traduis littéralement, & cette traduction littérale sera parfaitement française comme tu le verras[.]
Daniel est avec sa soeur & l'enfant de celle-ci d[ans] le jardin de la maison paternelle.
"..... Te souviens-tu, poursuivait Christine, d'un soir où tu t'es caché & où tu ne t'es plus laissé voir jusqu'au matin, demeurant au dehors toute la nuit? Quelle peur aussi cette fois-là! Comme nous te cherchions! Comme nous te pleurions! "Daniel sourit. Il se rappelait qu'il s'était caché non par plaisanterie, mais par une curiosité cruelle, pour faire croire qu'il était perdu, pour se faire pleurer des siens. Durant la soirée, un soir humide & calme, il avait entendu les voix qui l'appelaient, il avait écouté toutes les rumeurs qui venaient de la maison bouleversée, il avait retenu son haleine avec terreur & avec joie en voyant passer près de sa cachette ceux qui le cherchaient. Puis quand on avait enfin parcouru le jardin inutilement, il était resté tranquille. Et lui, en regardant la maison où les fenêtres s'éclairaient & s'obscurcissaient alternativement comme par le passage de gens agités, il avait éprouvé un sentiment extraordinaire, aigu jusqu'aux larmes: il s'était pris de pitié pour l'angoisse des siens & pour lui-même, comme si réellement il eût été perdu, mais il avait pourtant persisté à rester caché. Puis l'aube était venue; & cette lente expansion de la lumière dans le silence immense lui avait en quelque sorte chassé du cerveau une vapeur de folie, lui avait rendu la conscience de la réalité, avait suscité en lui le remords. Il avait pensé à son père, au châtiment, avec terreur, avec désespoir, en regardant la vasque, en se sentant attiré par cette eau pâle & douce qui reflétait le ciel, par cette eau où quelques mois auparavant il avait manqué de périr...."
Autre passage. Daniel s'est retiré dans sa chambre: il est triste; il se sent comme séparé de tout le monde, il a peur de la solitude.
"Qui est-ce? Quelqu'un m'appelle?" Il avait dans l'oreille une voix.. Il tendit l'oreille pour la recueillir. Il n'entendit plus rien. Il ouvrit la porte, se glissa dans le corridor, écouta. Tout était silencieux. La chambre de sa tante était ouverte, illuminée. Il fut assailli par une étrange terreur, par une sorte de panique, pensant qu'il aurait pu voir tout d'un coup apparaître sur le seuil la vieille au masque cadavérique qui avait l'haleine fétide de [6] ceux qui meurent du typhus. Et la vision lui traversa l'esprit comme un éclair, qu'elle était morte, qu'elle était là assise sur son fauteuil, immobile, & le menton sur la poitrine, morte! L'image avait le relief de la réalité & le glaçait d'une épouvante vraie. Il resta debout, sans oser bouger tandis qu'un cercle lui étreignait la tête se dilatant & se reserrant suivant la palpitation des artères comme s'il eût été d'une matière élastique & froide. Les nerfs le dominaient, lui imposaient le désordre & l'excès de leurs sensations."
Mercredi 15.
Pas encore de lettre de toi. Voici près de 15 jours depuis la dernière! Et j'ai faim d'avoir des nouvelles de toi, de me transporter en esprit auprès de toi, d'être retapé par tes solides phrases enthousiastes & virulentes. Je croyais recevoir ta lettre tantôt à la poste de 5½ heures & à chaque coup de sonnette je tressaillais, à chaque pas dans le corridor je tendais l'oreille espérant qu'on allait venir frapper à ma porte... mais non! rien!
Je suis d'une humeur détestable depuis deux jours spécialement: ce que je suis entouré de bêtise, ce que j'entends de plaisanteries idiotes, de homaiseries, de discussions vides sur des choses que pas un de ceux qui les discutent ne connaît, c'est épouvantable! Et je dois bien me mêler à tout cela, répondre de temps à autre, être bête quand il le faut! Je me tais tant que je peux, mais je rage intérieurement, je sue, je souffre, j'ai l'envie toute physique d'allonger des calottes à mes trois compagnons, de les giffler éperdument.
Pour comble de maux je ne sais pas me remettre à la besogne: je veux attaquer mon 2e chapitre de la Vie impossible lequel est à refaire en entier & est rudement embêtant: les idées sont prêtes, le plan en est fait, & je ne parviens pas à commencer; Pas moyen de me receuillir, de réfléchir avec calme; je suis d'une surexcitabilité qui me fait sursauter à tout bruit: l'horloge dans le corridor qui sonne avec une grosse voix lourde me fait souffrir réellement. Ajoute à ça que mon estomac est dans un si bel état que durant 3 heures après le repas je sens la digestion s'effectuer péniblement, j'ai la tête brûlante, je ne puis sérieusement travailler. Il ne reste que les heures de nuit & la fatigue vient aussitôt. J'ai tout le crâne douloureux depuis deux jours! Quelle existence, crénom! & comme tout cela est réjouissant! Je me donne de l'exercice, je marche, & c'est encore pis! je suis assassiné quand je [7] rentre.
J'ai reçu ce matin le portrait de Raway: il est bien posé, sur le tabouret du piano, une main posée sur le clavier, & semblant se retourner comme pour expliquer ce qu'il vient de jouer. Je me suis rappelé les interminables soirées qu'on passait avec lui, à entendre Freya,[4] à discuter d'Art ou de philosophie. Quel homme! & comme on pouvait oublier le temps, oublier la vie auprès de lui. C'est le bonheur à Bruxelles qu'on puisse trouver parmi la tourbe de la multitude, quelques gens d'élite, quelques vrais tempéraments d'artistes. Mais ici! .... C'est peut-être dans le monde ecclésiastique qu'on trouverait en Italie les plus intéressantes personnalités, mais comment se mettre en relation avec les prêtres?
Vendredi 17.
Enfin j'ai reçu ta chère lettre au moment où désespérant de la recevoir j'allais t'envoyer celle-ci. J'ai ragé avec toi de la saloperie commise envers van Langendonck: est-ce assez dégoûtant! On a tout de même la consolation de se dire qu'on vaut un peu mieux que les gens qui font ça. Enfin! que van Langendonck laisse crever en paix sa vieille bête d'oncle de curé[5] & qu'il travaille en attendant: quand le vieux sera mort il pourra flanquer à la tête de ses adversaires une belle pile d'ouvrages. C'est une riche vengeance.
J'attends donc la semaine prochaine le V[an Nu en Straks]
Ensuite, je procède par ordre, j'ai reçu avec une humilité toute chrétienne le sermon que tu me fais à propos de mon voyage manqué,[1] mais je ne me crois pas si coupable. Tu me parles d'un régime physique à suivre: que veux-tu? je fais ce que je puis. Veux-tu que je fasse de la gymnastique ou de la lutte? mais ça m'agite horriblement, me procure des battements de coeur & me fait venir des éruptions instantanément. Veux-tu que je me couche à 10 heures du soir? mais je n'ai pas digéré à cette heure là, je rote comme un véritable oriental & il me serait impossible de dormir! Tu me parles de la confiance que j'ai en ma volonté, mince! j'en ai à peu près autant que dans mon triceps brachial & ce n'est pas beaucoup dire. Tu me poses un dilemme: ou bien c'est mon imagination — ou bien ce sont mes nerfs, etc[.] Je ne l'admets pas: je crois que c'est l'une & les autres ensemble!
Les projets de voyage que tu me soumets sont épatants, mais je ne t'en parlerai pas pour le moment: je n'ose pas penser à un voyage [8] à l'heure qu'il est.
A propos de Carnaval pourrais-tu me fournir un renseignement: quels sont les costumes les plus en vogue ou les costumes caractéristiques que l'on rencontre cette année au Carnaval à Bruxelles & quel est l'aspect général des rues le soir & la nuit? J'aurais besoin de cela pour corriger un passage de la vie impossible. Pardon de te raser à ce sujet: tu peux compter être encore exploité!!
— Maintenant je vais boire mon "nine o[']clock tea" en ton honneur: j'espère que ça soulagera le mal de tête dont je jouis (!). C'était aujourd'hui l'anniversaire de la naissance de ce cher Lodewijk De Raet: réjouissances, vins de Capri, un Asti spumante tout à fait spoum, toasts, etc[.] J'ai fait au dessert une brillante improvisation... préparée l'après-midi où j'ai parlé de la sympathie qui nous unissait & qui nous unirait toujours, de l'avenir où quelqu'un de nous frappé par l'adversité trouverait sûrement chez les autres l'aide & la consolation, etc, etc. Et remarque que j'ai débité cela d'un bout à l'autre sans rire: l'effet oratoire a été profond; mon auditoire était "sous le coup de la plus vive émotion", don Luigi répétait "Lei la esprimato un bel sentimento, mi fa piacere, bel sentimento." Est-ce assez farce, hein? Après ça j'ai été obligé de subir une discussion philosophique (!!) où j'ai entendu soutenir par Köttlitz que les spiritualistes n'avaient jamais rien fait de bon ni d'utile dans l'humanité avec tous leurs raisonnements & leurs didactions, mais les matérialistes au contraire!!! ... J'ai remis l'individu à sa place en quatre mots. — Comme il est ennuyeux que derrière la science il y ait les savants! J'ai lu encore dans Letourneau[6] des hérésies étonnantes. Il y a des phrases étonnantes: "La pensée est sûrement une propriété de la cellule nerveuse." On attend une démonstration de cela, mais en vain: rien n'apparaît. Ailleurs l'auteur arrive au problème de l'origine des êtres & on trouve rien de mieux que d'admettre la génération spontanée qu'aucun fait scientifique connu ne permet d'accepter: c'est pauvre!
— En fait de lectures intéressantes, une étude de Vittorio Pica sur Forain dans la Battaglia per l'Arte:[7] à nous elle ne nous apprend rien de neuf, mais elle est d'une bonne tendance. On a fait ici une amusante enquête parmi les littérateurs, les savants & philosophes italiens. Supposez leur écrivait-on que vous soyez exilé & que vous ne puissiez emporter avec vous que 5 livres, lesquels préfériez-vous? 201 réponses ont été données. Naturellement c'est la Divine Comédie [9] qui l'a emporté, vient ensuite la Bible & le théâtre de Shakespeare, puis les premiers principes de Spencer, les fiancés de Manzoni, l'origine des espèces de Darwin, le Faust de Göthe — Balzac, Molière, Hugo, Schopenhauer, Carducci, Foscolo, etc[.] tout à peu près sur la même ligne; Ibsen n'a eu que 2 voix (moins que G[eorge] Sand). Comme le dit très bien celui qui rapporte la chose les voix données à Dante & à la Bible le sont souvent par pose, parce que c'est une chose convenue. Il ajoute: "io ho messo la Bibbia, perchè mè è sempre parso un libro molto noioso & oscuro e ho pensato che nel esilio intelettuale, la lettura arribbe anche potuto divertirmi allo stesso modo che nella noia di un viaggio ferroviario, dopo aver letto anche la quarta pagina di un giornale, se sciolgono anche le sciarade." Carducci avait choisi pour ses 5 oeuvres de prédilection: Dante, Petrarque, Horace, Tacite, Machiavel. Un certain Cameroni a trouvé mieux: il a choisi les oeuvres complètes de Balzac, idem de Goncourt, idem de Zola, toute la collection du Figaro, & le dictionnaire de Larousse!!!
— Le sac à nouvelles est vidé: je te souhaite le bonsoir & espère que tu ne seras pas trop encombré la semaine prochaine & que ta lettre ne se fera pas désirer trop longtemps. Fraternelle poignée de mains de ton fidèle
Giacomo

Annotations

[1] Zie brief 32 (de passage die werd geschreven op 4 februari.
[2] Antoine Bouttiau. Dwelshauvers spelt steeds verkeerdelijk 'Bout(t)iaux'.
[3] Het eerste deel van deze novelle werd gepubliceerd in La Nuova Rassegna, I, 1 (22 jan. 1893) Zie: Bollettino delle pubblicazione Italiane ricevute per Diretto di Stampa (Firenze, Biblioteca Nazionale Centrale di Firenze, 1893), nr. 5557. Zie ook brief 50, noot 2. Voor zover in de bibliografieën over d'Annunzio kon worden nagegaan, is het werk niet afzonderlijk in een verzamelbundel verschenen.
[4] Freya, lyrisch drama op tekst van Harroy en Ronveaux waaraan Erasme Raway van 1886 tot 1908 werkte. Zie brief 170 (1892), noot 4.
[5] Carolus Guilielmus van Langendonck (Werchter 22 nov. 1833 — Opvelp 27 sept. 1903), pastoor van Opvelp, met wie Prosper van Langendonck een nogal goede relatie schijnt te hebben gehad. Zie A. van Langendonck, 'Uit het leven van Prosper van Langendonck', in: Dietsche Warande en Belfort, XXI, 1 (januari 1921), p. 91-109 (p. 107). Onduidelijke passage.
[6] Charles Letourneau (Auray 1831 — Parijs 1902): Frans antropoloog, arts en hoogleraar. Auteur van werken als L'évolution de la morale (1887), L'évolution du mariage et de la famille (1888), L'évolution de la propriété (1889), L'évolution politique dans les diverses races humaines (1890).
Wellicht citeert Dwelshauvers niet letterlijk, en verwijst hij naar: Charles Letourneau, L'évolution de la morale Paris, A. Delahaye & E. Lecrosnier, 1887), p. 27: "C'est qu'en effet, chez l'homme et l'animal, tout ce qui est conscient, savoir, les impressions, les sensations, les désirs, les passion l'entendement, tout cela dépend des cellules nerveuses cérébrales et résulte de leur fonctionnement." en p. 136: "(...) l'individu obéit à des tendances héréditaires, accumulées depuis l'infiniment lointaine époque où sont nés, par génération spontanée, les monères primitives."
[7] Niet teruggevonden. Zie brief 111, noot 3.

Register

Naam - persoon

Annunzio, Gabriele D' (° Francavilla a Mare, 1863 - ✝ Gardone, 1938)

Politicus en schrijver.

Bom, Emmanuel Karel De (° Antwerpen, 1868-11-09 - ✝ Kalmthout, 1953-04-14)

Bibliothecaris, journalist en schrijver. Medeoprichter van Van Nu en Straks. Gehuwd met Nora Aulit op 24/08/1901 in Antwerpen.

Bouttiau, Antoine, Marie Joseph (° Thy-le-Château, 1859-11-17 - ✝ Bologna,)

Ingenieur. Directeur van de stoomtram in Bologna.

Huwde er op 08/02/1893 met Livia Fantini.

Carducci, Giosué (° Valdicastello, 1835 - ✝ Bologna,)

Schrijver en criticus.

Dwelshauvers, (Jean) Jacques (° Brussel, 1872-07-09 - ✝ Montmaur-en-Diois (Drôme), 1940-11-14)

Kunsthistoricus en militant anarchist.

Broer van Georges Dwelshauvers en gezel van Clara Köttlitz, met wie hij in 1897 een vrij huwelijk aanging. Deed beloftevolle studies aan het Koninklijk Atheneum Brussel (afd. Latijn-Grieks), waar hij A.Vermeylen leerde kennen. Studeerde 1890-92 natuurwetenschappen aan de ULB (diploma van kandidaat in juli 1892). Met een beurs van de Jacobsstichting vatte hij in oktober 1892 studies in de medicijnen aan te Bologna, samen met de latere geneesheren Herman Köttlitz en Alfred Walravens. Hij verliet Bologna in 1897, zonder de hele cyclus te hebben beëindigd.

In hetzelfde jaar begonnen de eerste strubbelingen met Gust Vermeylen, i.v.m. diens huwelijk met Gaby Brouhon en de strekking en inhoud van Van Nu en Straks. Het jaar daarop maakte hij een nieuwe reis naar Bologna en Bergamo. In het voorjaar van 1899 trok hij met Clara naar Firenze, waar hij zich voortaan geheel aan kunsthistorisch onderzoek wijdde, geboeid door de figuur van Botticelli en de kuituur van het Quattrocento. Hij zou in Firenze ook nog de toelating hebben gevraagd zich voor de eindexamens geneeskunde aan te bieden, maar legde die nooit af. Zijn verblijf in en om Firenze (afwisselend te Calamecca en te Castello), dat tot 1906 duurde, werd regelmatig onderbroken voor reizen naar het thuisland, en naar Parijs.

In 1899 werd te Antwerpen trouwens zijn zoon Lorenzo (Jean-Jacques Erasme Laurent) geboren (op de akte tekende o.m. Emmanuel de Bom als getuige), en het gezin was er officieel ingeschreven aan de Montebellostraat 3 tot 1906. In dat jaar, verhuisden zij naar Colombes bij Parijs (Boulevard Gambetta 46, niet-geregistreerde verblijfplaats). Dwelshauvers, die zich intussen Mesnil noemde (naar twee dorpjes bij Dinant, de geboortestad van zijn vaders familie), onderhield er nauwe contacten met de anarchistische en internationalistische beweging. Hij verdiende de kost met het schrijven van reisgidsen, eerst bij Hachette (o.a. de Guide Joanne - na W.O.I Guide Bleu - over Noord-Italië), nadien bij Baedeker.

Tussen 1910 en 1914 vestigde het gezin Mesnil zich te Alfort bij Parijs, waar - gezien zijn moeilijkheden met de geheime politie - evenmin een officiële inschrijving werd genoteerd. Jacques Mesnil stierf in niet opgehelderde omstandigheden te Montmaur, waar zijn zoon toen zou hebben gewoond; hij leed toen al enkele jaren aan een hart- en nierziekte waarvoor hij o.m. door dokter Schamelhout werd behandeld. Behalve aan Van Nu en Straks werkte hij nog mee aan Mercure de France, La société nouvelle, Ontwaking, Onze kunst, Revista d'Arte, Gazette des beaux arts, Burlington Magazine, de Parijse krant L'Humanité en het Italiaanse Avanti. Een bibliografie kan men terugvinden in de geciteerde bronnen.

Koettlitz, Bugène Emile Jean (° Stettin (Pommeren; thans Szczecin, Polen), 1870-01-29 - ✝ Ukkel, 1946-04-26)

Burgerlijk ingenieur en musicus.

Broer van o.m. Clara en Hermann Köttlitz. Studeerde van 1888 tot 1894 aan de ULB. Woonde in 1898 te Bergamo (Italië); Jacques Dwelshauvers zou er vanaf juni van dat jaar tijdens zijn studieverblijf hebben gelogeerd.

Koettlitz, Hermann (° Brussel, 1871-11-09 - ✝ Ukkel, 1950-03-27)

Geneesheer-chirurg.

Broer van Clara en Eugène Köttlitz. Studiegenoot van Frits Sano, Jacques Mesnil en A.Vermeylen aan de ULB. Verbleef ook met J.Dwelshauvers en A.Walravens vijf jaar (1892 tot 1896) in Bologna als beursstudent van de Jean Jacobsstichting. Promoveerde in 1908 te Brussel tot 'docteur spécial en sciences medico-chirurgicales'.

Langendonck, Prosper Antoine Joseph Van (° Brussel, 1862-03-15 - ✝ Brussel, 1920-11-07)

Schrijver en ambtenaar. Medeoprichter van Van Nu en Straks. Op 23/12/1899 gehuwd met Adèle Wouters.

Legros, René Robert (° Barvaux, 1872-11-05 - ✝ Barvaux, 1933-07-29)

Geneesheer.

Liep school op het Athénée Royal van Luik en, van de vierde Latijnse tot de retorica, op het Brusselse Atheneum, waar hij bevriend raakte met o.m. A.Vermeylen, J.Dwelshauvers en L.de Raet. Studeerde nadien geneeskunde aan de UEL (1890-1897). Publiceerde verzen in de Almanach des étudiants. Almanach de l'Université libre de Bruxelles (1891).

Manzoni, Alessandro (° Milaan, 1785 - ✝ Milaan, 1873)

Schrijver.

Pica, Vittorio (° Napels, 1864 - ✝ Milaan, 1930)

Kunstcriticus en -essayist.

Trachtte het Italiaanse publiek vertrouwd te maken met de grote Europese stromingen sinds het impressionisme. Verzette zich als aanhanger van de modernen tegen het quietisme. Was de animator van het artistiek leven in Venetië na 1900, en betrokken bij de oprichting van de Venetiaanse Biënnale. Schreef talrijke polamieken, o.a. in Emporium (1895-). Auteur van o.m. All' avanguardia (Napels, 1890).

Raet, Lodewijk De (° Brussel, 1870-02-17 - ✝ Vorst (Brussel), 1914-11-24)

Economist.

Studiegenoot van A.Vermeylen en J.Dwelshauvers op het Brussels Atheneum en aan de ULB, medestudent van J.Dwelshauvers, A.Walravens en H.Köttlitz in het Collegio dei Fiammenghi in Bologna (J.Jacobsstichting) in 1892-1893.

Raway, Erasmus (° Luik ?/?/, 1850 - ✝ Brussel ?/?/, 1918)

Componist.

Vermeylen, August. (° Brussel, 1872-05-12 - ✝ Ukkel, 1945-01-10)

Hoogleraar, kunsthistoricus en schrijver. Medeoprichter van Van Nu en Straks. Gehuwd met Gabrielle Josephine Pauline Brouhon op 21/09/1897.

Walravens, Alfred (° Tubize, 1872-11-15 - °)

Geneesheer.

Leerling aan het Brusselse atheneum met o.a. Vermeylen, De Raet, Dwelshauvers en Legros. Studiegenoot van J.Dwelshauvers, H.Koetlitz en A.Vermeylen aan de ULB. Verbleef van 1892 tot 1896 in Bologna met een Jacobsbeurs.

Zarri, Luigi

? - ?

Voorlopig niet teruggevonden.

Titel - krant/tijdschrift

Dietsche Warande (° 1855 - ✝ 1899)

Literair tijdschrift, na 1899 gefusioneerd met Het Belfort.

Figaro, Le (° 1866 - °)

Parijs dagblad.

Naam - instituut/vereniging

Cercle (artistique Et) Litteraire (de Bruxelles) (°)

Letterkundige kring aan de ULB.

Vergaderde in de Waux-Hall. Bestond zeker al in 1865.

Voorlopig geen verdere informatie, daar het exemplaar van de statuten en ledenlijst uit 1896 in de KBB is zoekgeraakt. Parallel bestond ook een Cercle des Sciences en een Cercle d'Etudes Sociales.

Indextermen

Naam - instituut/vereniging

Cercle Artistique et Littéraire de Bruxelles
Teatro Communale

Naam - persoon

Ajalbert, Jean
Annunzio, Gabriele d'
Balzac, Honoré de
Bom, Emmanuel de
Bouttiau, Antoine
Cameroni
Carducci, Giosuè
Couperus, Louis
Dante Alighieri
Darwin, Charles
Dwelshauvers, Jacques
Fantini, Livia
Flaubert, Gustave
Forain, Jean-Louis
Foscolo, Ugo
Goethe, Johann Wolfgang von
Goncourt, Edmond de
Harroy
Horatius
Hugo, Victor
Ibsen, Henrik
Koettlitz, Eugène
Koettlitz, Hermann
Langendonck, A. van
Langendonck, Carolus Guilielmus van
Langendonck, Prosper van
Legros, Robert
Letourneau, Charles
Macchiavelli, Niccolò
Manzoni, Alessandro
Molière
Petrarca, Francesco
Pica, Vittorio
Raet, Lodewijk de
Raway, Erasme
Ronveaux
Sand, George
Schopenhauer, Arthur
Shakespeare, William
Spencer, Herbert
Tacitus, Publius Cornelius
Verdi, Giuseppe
Vermeylen, August
Walravens, Alfred
Walravens, Alfred; Raet, Lodewijk de; Koettlitz, Hermann
Zarri, Luigi
Zola, Emile

Naam - plaats

Auray
Bologna
Brussel
Florence
Opvelp
Parijs
Rome
Werchter

Naam - uitgever

Biblioteca Nazionale Centrale di Firenze
Delahaye en E. Lecrosnier, A.

Titel - artikel

Uit het leven van Prosper van Langendonck

Titel - boek

Bijbel, De
Bollettino delle pubblicazione Italiane ricevute per Diretto di Stampa
Divina Commedia, La
Duchesse de Langeais, La
Evolution de la morale, L'
Evolution de la propriété, L'
Evolution du marriage et de la famille, L'
Evolution politique dans les diverses races humaines, L'
Histoire des Treize
Larousse Dictionnaire
On the Origin of Species
Promessi Sposi, I
Vie impossible, La

Titel - krant/tijdschrift

Battaglia per l'Arte
Dietsche Warande (en Belfort)
Figaro, Le
Nuova Rassegna
Van Nu en Straks

Titel - opera

Falstaff

Titel - toneelstuk

Faust
Freya