<Resultaat 907 van 1419

>

BOLOGNA FERROVIA 6 11-93 11-S
Monsieur Gust Vermeylen
81 Rue Pachéco,
Bruxelles.
Belgio.
BRUXELLES 8 NOVE 9-M
 
Cher Gust,
Voici 4 jours déjà que j'ai quitté Bruxelles & je trouve seulement aujourd'hui la possibilité de t'écrire. Je n'ai pu le faire hier, à cause d'un féroce mal de tête, résultat du voyage, qui m'a abruti toute la journée.
Je vais te résumer brièvement mes impressions depuis jeudi.— Les premières heures de mon voyage se sont passées sans événements quelconque: j'étais en proie à un total abrutissement & je n'ai conservé aucun souvenir net. A Luxembourg, vers minuit, je sommeillais à demi quand je vois s'arrêter à la porte de mon compartiment un soldat qui semble m'inspecter minutieusement: finalement il m'interpelle: "êtes-vous belge ou français. — Je suis belge." J'étais intrigué et plus au moins mal à l'aise. Il me demande mon nom, que je donne. "Avez-vous sur vous des papiers qui établissent votre identité" continue-t-il. Heureusement j'avais sur moi mon passeport de Russie:[1] je le donne. Le bonhomme l'examine d'un air défiant. Puis il me demande: "connaissez-vous à Bruxelles, la banque du Crédit lyonnais? — Mais oui, de vue!" Je commençais à saisir de quoi il s'agissait.— "C'est que, achève-t-il, un Caissier du Crédit lyonnais s'est enfui en emportant 50 000 frs & vous répondez au signalement." "C'est bien embêtant pour moi" ai-je répondu, & pour achever de le convaincre je lui ai exhibé ma carte d'étudiant de Bologne.— Cet absurde sergot a fini par se retirer sans rien dire et par me laisser tranquille — c'est par quoi il aurait dû commencer. Je n'ai malheureusement pas eu l'idée de prendre son signalement à lui, je lui aurais fait ficher une danse, [2] en somme bien méritée.
A 5 1/2 heures du matin — sans plus d'incidents — j'étais à Colmar. Une ville calme de province, endormie, sans grande animation. Elle est d'un aspect curieux, avec des toits très penchés aux pannes en écusson, des maisons irrégulières à angles rentrants & sortants, de vieilles places avec des tilleuls et une eau qui court où les lavandières trempent et tordent leur linge. — L'église gothique est d'un bel aspect: tours inachevées à contreforts; un portique curieux avec de vieilles sculptures, des têtes bizarres, des corps réduits, renfrognés, d'imaginaires foetus.
— Le musée est intéressant: il y a des Mathaeus Grünewald: une crucifixion analogue à celle décrite par Huysmans, mais moins belle, si l'on en juge par la description de celui-ci. Une tentation de St Antoine du même est étonnante: pour fond une espèce de vaste banquise blanche aux reflets bleus sur laquelle se détachent de fantastiques bêtes noires, une architecture d'arbres et de ruines. A l'avant[-]plan d'horribles bêtes à mufles humains, de fantastiques crapauds tout ulcérés se ruent sur St Antoine qu'on voit renversé et qui semble plutôt rire que pleurer. Le St Antoine au désert a un fond analogue sur lequel se détachent de grands roches bruns, un palmier, des arbres effeuillés. — Le même décor revient au tableau qui se trouve sur le revers — une vierge avec son enfant qui semble une amoureuse caressant son amant —, mais le dessus des montagnes s'assombrit, semble frappé par l'orage. Tout en haut dans le ciel, domine une vague vision paradisiaque.
Au même musée il y a aussi un fort bel autel en bois avec statues en bois peint, un St-Nicolas entre autres est d'une vie terrible.
— J'ai passé l'après-midi à Bâle: les Holbein sont superbes. Il y a dans ses dessins des scènes de la passion d'une intensité de vie, d'un grouillement de foule si expressif et si cruel que cela fait souffrir: et si l'on considère le détail des traits, c'est presque de la caricature. — Dans ses tableaux le coloris est parfois déplaisant, ce qui n'empêche pas qu'il y ait là un Christ mort, étendu, à demi pourri, mais dont on sent encore toute l'âme dans les yeux révulsés — et une flagellation du Christ, qui sont de purs chefs[-]d'oeuvre.
Le soir je me suis encore balladé un peu dans Bâle, où il y avait kermesse: cela ne diffère guère de nos kermesses: mêmes chevaux de bois, mêmes tirs à la carabine, même théâtres & mêmes putains. — Encore de [3] l'Internationalisme. — J'ai quitté Bâle à 8h. du soir & ai passé en train la nuit de vendredi à samedi. Je suis arrivé à Milan passablement las & abruti & ai dû passer là plus de deux heures à courir pour trouver ma malle & la réexpédier ensuite sur Bologne: ça demande encore plus de formalités qu'à l'entrepôt de Bruxelles. Il ne me restait plus après cela le temps de voir S[an]ta Maria delle Grazie, ni la Cène du Vinci, & comme j'étais las & plus fort disposé à voir quoique ce soit, n'ayant plus le calme d'âme nécessaire pour "la contemplation de l'idée pure" je me suis décidé à aller directement à Bologne où je me trouvais vers 4 heures de l'après-midi. Je tombais dans les bras de Walravens: scènes touchantes, etc.— Hier violent mal de tête toute la journée. — Aujourd'hui j'ai passé tout mon temps à écrire des lettres. — De Raet est arrivé 12 heures après moi, dans la nuit de samedi à dimanche. Il se montre extrêmement aimable avec nous. Quant à des diplômes,[2] il n'en a pas!
Les cours qui recommencent officiellement aujourd'hui ne commencent en réalité que dans une semaine: je m'y attendais. En tous cas une autre année je ne me ferai pas de scrupules pour rester quinze jours de plus à Bruxelles! Il fait un temps triste ici, gris, automnal, spleenétique. Ce fameux ciel d'Italie ne se montre jamais que quand on ne le désire pas. — Je viens d'apprendre qu'on a fait une traduction en Italien des Fleurs du mal. Sur la couverture on voit Baudelaire, drapé dans un grand manteau & coiffé d'un vaste Rubens, se promener d'un air "hamletique"[.] Absolument dix-huit cent trente, quoi! Mince alors!
— Au revoir, vieux — Voilà toutes les nouvelles. Je te serre énergiquement les pattes et attends une lettre de toi.
Giacomo
P[ost Scriptum] Alfred a passé très brillamment son examen de physiologie.

Annotations

[1] Hoogstwaarschijnlijk had Jacques Dwelshauvers dit paspoort bij zich met het oog op een reis naar Sofia Ioteiko, die in Warschau verbleef (zie brief 280 (noot 10), brief 307 (passage van 29 november) en brief 333).

Register

Naam - persoon

Dwelshauvers, (Jean) Jacques (° Brussel, 1872-07-09 - ✝ Montmaur-en-Diois (Drôme), 1940-11-14)

Kunsthistoricus en militant anarchist.

Broer van Georges Dwelshauvers en gezel van Clara Köttlitz, met wie hij in 1897 een vrij huwelijk aanging. Deed beloftevolle studies aan het Koninklijk Atheneum Brussel (afd. Latijn-Grieks), waar hij A.Vermeylen leerde kennen. Studeerde 1890-92 natuurwetenschappen aan de ULB (diploma van kandidaat in juli 1892). Met een beurs van de Jacobsstichting vatte hij in oktober 1892 studies in de medicijnen aan te Bologna, samen met de latere geneesheren Herman Köttlitz en Alfred Walravens. Hij verliet Bologna in 1897, zonder de hele cyclus te hebben beëindigd.

In hetzelfde jaar begonnen de eerste strubbelingen met Gust Vermeylen, i.v.m. diens huwelijk met Gaby Brouhon en de strekking en inhoud van Van Nu en Straks. Het jaar daarop maakte hij een nieuwe reis naar Bologna en Bergamo. In het voorjaar van 1899 trok hij met Clara naar Firenze, waar hij zich voortaan geheel aan kunsthistorisch onderzoek wijdde, geboeid door de figuur van Botticelli en de kuituur van het Quattrocento. Hij zou in Firenze ook nog de toelating hebben gevraagd zich voor de eindexamens geneeskunde aan te bieden, maar legde die nooit af. Zijn verblijf in en om Firenze (afwisselend te Calamecca en te Castello), dat tot 1906 duurde, werd regelmatig onderbroken voor reizen naar het thuisland, en naar Parijs.

In 1899 werd te Antwerpen trouwens zijn zoon Lorenzo (Jean-Jacques Erasme Laurent) geboren (op de akte tekende o.m. Emmanuel de Bom als getuige), en het gezin was er officieel ingeschreven aan de Montebellostraat 3 tot 1906. In dat jaar, verhuisden zij naar Colombes bij Parijs (Boulevard Gambetta 46, niet-geregistreerde verblijfplaats). Dwelshauvers, die zich intussen Mesnil noemde (naar twee dorpjes bij Dinant, de geboortestad van zijn vaders familie), onderhield er nauwe contacten met de anarchistische en internationalistische beweging. Hij verdiende de kost met het schrijven van reisgidsen, eerst bij Hachette (o.a. de Guide Joanne - na W.O.I Guide Bleu - over Noord-Italië), nadien bij Baedeker.

Tussen 1910 en 1914 vestigde het gezin Mesnil zich te Alfort bij Parijs, waar - gezien zijn moeilijkheden met de geheime politie - evenmin een officiële inschrijving werd genoteerd. Jacques Mesnil stierf in niet opgehelderde omstandigheden te Montmaur, waar zijn zoon toen zou hebben gewoond; hij leed toen al enkele jaren aan een hart- en nierziekte waarvoor hij o.m. door dokter Schamelhout werd behandeld. Behalve aan Van Nu en Straks werkte hij nog mee aan Mercure de France, La société nouvelle, Ontwaking, Onze kunst, Revista d'Arte, Gazette des beaux arts, Burlington Magazine, de Parijse krant L'Humanité en het Italiaanse Avanti. Een bibliografie kan men terugvinden in de geciteerde bronnen.

Ioteiko, Sofia (° Kiev, 1868 - °)

In 1890 studente natuurwetenschappen aan de ULB.

Dochter van Lucien Ioteiko en Caroline Kurzanska; zuster van de beter bekende Josefa Ioteiko, die doctor in de geneeskunde werd en van 1898 af verbonden was aan het psycho-fysiologisch laboratorium van de ULB. Sofia was afgevaardigde van de afdeling Sociale Wetenschappen en nam als zodanig actief deel aan het universitair conflict bij de opening van het academiejaar 1890-1891.

Raet, Lodewijk De (° Brussel, 1870-02-17 - ✝ Vorst (Brussel), 1914-11-24)

Economist.

Studiegenoot van A.Vermeylen en J.Dwelshauvers op het Brussels Atheneum en aan de ULB, medestudent van J.Dwelshauvers, A.Walravens en H.Köttlitz in het Collegio dei Fiammenghi in Bologna (J.Jacobsstichting) in 1892-1893.

Vermeylen, August. (° Brussel, 1872-05-12 - ✝ Ukkel, 1945-01-10)

Hoogleraar, kunsthistoricus en schrijver. Medeoprichter van Van Nu en Straks. Gehuwd met Gabrielle Josephine Pauline Brouhon op 21/09/1897.

Walravens, Alfred (° Tubize, 1872-11-15 - °)

Geneesheer.

Leerling aan het Brusselse atheneum met o.a. Vermeylen, De Raet, Dwelshauvers en Legros. Studiegenoot van J.Dwelshauvers, H.Koetlitz en A.Vermeylen aan de ULB. Verbleef van 1892 tot 1896 in Bologna met een Jacobsbeurs.