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[B]OLOGNA FERROVIA 1 6-93 6-S
BRUXELLES 1 3 JUIN 1893 8-M
Monsieur Gust Vermeylen,
81 Rue Pachéco,
Bruxelles.
Belgio.
 
Mon cher Gust,
Je n'ai réellement rien d'intéressant à te conter cette semaine: aussi ma lettre risque-t-elle fort de n'être qu'un fastidieux bavardage.
J'ai été livré à une inaction à peu près complète & je me demande en vain à quoi se sont passées mes journées. Je ressens d'une façon presque aiguë l'inutilité de l'existence; je me confine derrière le lâche "à quoi bon?", le signe de l'incapacité de l'effort. Je dois t'avouer que Bologne m'assomme & que j'en ai pour le moment par[-]dessus la tête de l'Italie! Et je crois que l'état physique en est la cause la plus décisive. Les chaleurs pesantes, les continuels changements de temps, les orages[,] tout cela me met dans un état de torpeur pénible dont je ne suis pas le seul à me plaindre, car pour le moment nous souffrons tous trois de l'estomac.
Plus j'approche du temps de mon retour, plus j'aspire vivement à retourner à Bruxelles. Cela devient une vraie obsession: à tout moment, en rue, de vagues ressemblances me suscitent l'illusion de rencontrer des figures connues de Bruxelloises. Les trois ou quatre semaines que je dois encore passer ici me semblent par avance horriblement longues et ennuyeuses. Il faut que je me mette à étudier mon examen dont je n'ai pas encore vu un mot; que j'obtienne avant cela, chose capitale, la signature du professeur attestant que j'ai assisté régulièrement à son cours: or j'y ai été trois fois sur toute l'année; aussi ne suis-je pas très rassuré sous ce rapport, bien qu'au fond je m'en fiche pas mal. Ce sont de ces petites choses qui m'agacent superlativement, me donnent sur les nerfs, me rendent incapable [2] de travailler. Quel ennui d'être soumis à des règlements, de subir des contraintes bêtes & inutiles! Quoiqu'il arrive & au risque d'être trouvé "déraisonnable" je ne saurai jamais m'astreindre à écouter les leçons d'un vieux gaga à moitié fou rien que parce que cela est prescrit & que ce monsieur est officiellement patenté! Il est probable que mon anarchisme m'attirera encore pas mal d'inimitiés: mais qu'importe?!
J'ai voulu me remettre à la Vie impossible, mais "rien ne va plus." Je le crains bien, avant mon retour à Bruxelles je ne ferai plus rien. Que de temps perdu encore une fois! Je me sens la tête horriblement vide & le cerveau quasi dessèché!
— Je me suis promené ce soir, vers le crépuscule dans les quartiers misérables, dans les rues désertes, derrière les murs. Là l'herbe pousse en zigzags verts entre les pavés irréguliers dont les pointes et les bosses rendent la marche pénible. Des maisons basses aux murs rongés par l'humidité comme par une lèpre, des murs de jardin dont le plâtre est tombé par endroits laissant à nu d'inégaux cailloux entassés: mais par[-]dessus d'épaisses touffes d'accacias dont le vent rabat par bouffées le doux parfum qui masque un instant les senteurs d'égoûts & de latrines. Par endroits, sur le pas d'étroites portes, de vieilles ignobles putains vous sourient — sourire semblable au ricanement inquiètant des têtes de mort. De loin en loin, encore une porte basse ouverte comme un trou noir ou masqué par des rideaux, avec au dessus une vague lanterne & cette enseigne: vendita di Vino bianco e nero. Cela vous a un aspect obscur, mystérieux, criminel. Point d'air dans les étroits "vicolo": la chaleur y est plus étouffante: & l'on n'aperçoit au dessus de sa tête, dans le court intervalle qui sépare les toits, qu'une étroite bande de ciel pommelé, orageux.
— En fait de lectures, j'ai terminé les Promessi Sposi, cet interminable roman! & j'en suis fort satisfait — de l'avoir terminé — car ça commençait à m'embêter rudement. L'oeuvre a les défauts ordinaires des romans historiques: l'agaçant mélange de la vérité historique & de la fiction, mal recolées ensemble; l'intérêt s'attachant plus aux actions secondaires qu'à l'action principale généralement assez vulgaire, etc.
A l'occasion d'un chapitre de la V[ie impossible] j'ai relu une partie de la Faute de l'Abbé Mouret, la fin de la 1ère partie [3] (le culte de l'abbé Mouret pour la vierge). Quelle désillusion ç'a été! Moi qui admirais sincèrement ces pages[-]là jadis! Pour exprimer l'amour de la vierge il n'a su trouver que des images matérielles exclusivement, sensuelles même dirais-je. Pas un élan qui vous enlève vraiment vers le ciel! — Je comprends ce que tu m'écrivais l'autre jour que bien des bouquins que tu aimais te deviennent agaçants. J'éprouve à peu près la même sensation.
Jeudi 1er juin.
Reçu ce matin ta chère lettre, écrite avec un rouge carminé flamboyant qui aurait pu me faire supposer — avec un peu d'imagination — qu'elle était écrite "avec du sang de guillotine sur peau de chrétien écorché vif" comme disait Gautier!!
J'y réponds en détail. Et d'abord quant à l'illustrissimo signore Luigi (Gigi pour la Letizia) De Raet, cela m'étonnerait immensément de lui avoir parlé de tes aventures avec la Cuypers:[1] je suis même convaincu ne l'avoir pas fait, m'étant toujours montré de la dernière prudence avec le type en question. Si ma mémoire m'est fidèle, je lui ai parlé de la Cuypers accidentellement quand tu m'en as écrit, lui disant que tu l'avais été entendre & que tu me disais qu'elle jouait admirablement son rôle. Je lui ai demandé s'il la connaissait, que j'avais entendu dire qu'elle était très chaude, etc. La conversation s'est bornée à cela, me semble-t-il. Peut-être a-t-il inféré de cela que tu avais eu des aventures avec elle et a-t-il voulu te tirer les vers du nez, je ne sais?
Le dit De Raet, malgré ses promesses, ne nous a pas encore écrit un mot depuis son retour. Alfred — toujours franc jusqu'à l'excès — fait chaque jour des voeux pour que le dit Lodewijk ne revienne plus jamais à Bologne! Amen!
— Voici le mois de juin commencé, le dernier mois de mon séjour ici! Je ne sais pas encore la date exacte de mon examen. Mais selon toute probabilité ce sera vers le 20. Peut-être deux ou trois jours de plus ou de moins, chi lo sa? Les examens ne se passent pas ici comme chez nous: il y a un jury pour chaque branche, un jury de 3 professeurs qui examinent 25 étudiants par jour en moyenne! — En tous cas le jour même de mon examen je quitte Bologne par le train de 6 heures du soir et le lendemain à 7,55 h. je serai à la gare du Luxembourg où je compte te voir & tous ensemble — mon père & mon frère compris — nous reviendrons à la maison & nous boufferons tous ensemble pour nous réjouir [4] de nous retrouver unis. Voilà le programme de cette journée encore à fixer!
— Je me suis mis à étudier mon examen, & Ciaccio, ma vieille bête de professeur, a signé mon certificat de fréquentation du cours! Mince!! J'ai eu tout une soixantaine de pages à étudier, & quoique très exigeant à cet endroit je suis moi-même obligé d'avouer que ce n'est pas trop!!
— Ton rêve de nous enfouir dans une campagne solitaire & "horizonée" pour y travailler à l'aise m'a plus d'une fois souri... Il est curieux que mon frère ait eu exactement les mêmes désirs... Cela est très joli à s'imaginer, le soir, quand on a les yeux las de lire & qu'on se repose en rêvassant avant de s'endormir. Mais dans la réalité vingt obstacles viennent se mettre en travers de tels projets. Il serait peut-être presque aussi facile de se réaliser une solitude au milieu même de la ville, en dépit de la foule environnante.
— Tu bloques ton examen et tes lettres vont, dis-tu, être d'une aridité de désert. Il me semble que les miennes le sont déjà depuis quelques semaines & que toute la bêtise bolonaise y sue abondamment!
En fait de lectures j'ai excercé ma patience en lisant deux machines embêtantes: Les ... Bijoux indiscrets de Diderot (un de ces livres qu'on lit pour pouvoir dire qu'on l'a lu & éreinter à l'occasion les gens qui y trouvent quelque chose de bon!) & un petit bouquin récent de Bourget: Un scrupule. Le Bourget m'agace superlativement: ses interminables analyses psychologiques, la futilité du sujet, les infinies dissertations professorales sur des questions dénuées d'intérêt, tous ces défauts s'agravent de plus en plus. Huysmans a rudement bien caractérisé dans Là-Bas ces psychologues de contrebande: "ces orléanistes de la vérité .... qui n'avaient jamais exploré un district inconnu de l'esprit, qui n'avaient jamais révélé le moindre coin oublié d'une passion quelconque."
— Je ne t'en écris pas davantage, cher vieux. Le temps court maintenant. Plus que trois semaines selon toute probabilité & nous nous retrouverons enfin. Nous aurons été séparés pendant neuf mois tout juste! A bientôt & une bonne poignée de mains de ton Giacomo

Annotations

[1] Wellicht bestaat er een verband met brief 177 (1892) (noot 7).

Register

Naam - persoon

Bourget, Paul (° Amiens, 1852 - ✝ Parijs, 1935)

Schrijver en criticus.

Ciaccio, Giuseppe (°)

Anatomist.

Mogelijk vader van de patholoog Carmelo Ciaccio, die vanaf 1909 te Messina doceerde.

Verder onbekend.

Cuypers, Julia (° St.-Jans-Molenbeek, 1872-09-04 - ✝ Amsterdam, 1952-04-13)

Toneelspeelster.

Dwelshauvers, (alfred Auguste) Ernest (° Dinant, 1834-02-10 - ✝ Elsene, 1914-04-24)

Stadssecretaris van Brussel.

Echtgenoot van Maria Hortense Altmeyer, en vader van Jean Jacques en Georges Dwelshauvers.

Dwelshauvers, Georges (° Brussel, 1866-09-06 - ✝ Parijs ?/?/, 1937)

Filosoof.

Broer van Jacques Dwelshauvers. Studeerde aan de ULB. Verbleef lange tijd in Duitsland waar hij leerling was van W. Wundt (deed o.m. filosofie aan de universiteit van Heidelberg van april 1891 tot het eind van het zomersemester). Werd in 1892 te Brussel speciaal doctor in de wijsbegeerte met zijn thesis Les principes de l'idéalisme scientifique, nadat een eerste proefschrift Psychologie de l'apperception et recherches expérimentales sur l'attention. Essai de psychologie physiologique. gebaseerd op zijn onderzoekingen in het laboratorium voor experimentele psychologie van W. Wundt, op principiële gronden was geweigerd. Was achtereenvolgens hoogleraar aan de ULB (1893-1918), aan de Catalaanse Universiteit te Barcelona (1918-?) en aan het Institut Catholique te Parijs (vanaf 1925). Publiceerde studies over J. Lagneau, H. Bergson en F. Nietzsche. Interesseerde zich ook voor het toneel wat zich uitte in studies over H. Ibsen, een vertaling van Goethes Iphigenies (1903) en een bewerking van Lessings Nathan der Weise (opgevoerd in het Théâtre du Parc te Brussel, 1904); schreef zelf ook een drama Ino (1913), geïnspireerd op Oedipus koning van Sophocles.

Dwelshauvers, (Jean) Jacques (° Brussel, 1872-07-09 - ✝ Montmaur-en-Diois (Drôme), 1940-11-14)

Kunsthistoricus en militant anarchist.

Broer van Georges Dwelshauvers en gezel van Clara Köttlitz, met wie hij in 1897 een vrij huwelijk aanging. Deed beloftevolle studies aan het Koninklijk Atheneum Brussel (afd. Latijn-Grieks), waar hij A.Vermeylen leerde kennen. Studeerde 1890-92 natuurwetenschappen aan de ULB (diploma van kandidaat in juli 1892). Met een beurs van de Jacobsstichting vatte hij in oktober 1892 studies in de medicijnen aan te Bologna, samen met de latere geneesheren Herman Köttlitz en Alfred Walravens. Hij verliet Bologna in 1897, zonder de hele cyclus te hebben beëindigd.

In hetzelfde jaar begonnen de eerste strubbelingen met Gust Vermeylen, i.v.m. diens huwelijk met Gaby Brouhon en de strekking en inhoud van Van Nu en Straks. Het jaar daarop maakte hij een nieuwe reis naar Bologna en Bergamo. In het voorjaar van 1899 trok hij met Clara naar Firenze, waar hij zich voortaan geheel aan kunsthistorisch onderzoek wijdde, geboeid door de figuur van Botticelli en de kuituur van het Quattrocento. Hij zou in Firenze ook nog de toelating hebben gevraagd zich voor de eindexamens geneeskunde aan te bieden, maar legde die nooit af. Zijn verblijf in en om Firenze (afwisselend te Calamecca en te Castello), dat tot 1906 duurde, werd regelmatig onderbroken voor reizen naar het thuisland, en naar Parijs.

In 1899 werd te Antwerpen trouwens zijn zoon Lorenzo (Jean-Jacques Erasme Laurent) geboren (op de akte tekende o.m. Emmanuel de Bom als getuige), en het gezin was er officieel ingeschreven aan de Montebellostraat 3 tot 1906. In dat jaar, verhuisden zij naar Colombes bij Parijs (Boulevard Gambetta 46, niet-geregistreerde verblijfplaats). Dwelshauvers, die zich intussen Mesnil noemde (naar twee dorpjes bij Dinant, de geboortestad van zijn vaders familie), onderhield er nauwe contacten met de anarchistische en internationalistische beweging. Hij verdiende de kost met het schrijven van reisgidsen, eerst bij Hachette (o.a. de Guide Joanne - na W.O.I Guide Bleu - over Noord-Italië), nadien bij Baedeker.

Tussen 1910 en 1914 vestigde het gezin Mesnil zich te Alfort bij Parijs, waar - gezien zijn moeilijkheden met de geheime politie - evenmin een officiële inschrijving werd genoteerd. Jacques Mesnil stierf in niet opgehelderde omstandigheden te Montmaur, waar zijn zoon toen zou hebben gewoond; hij leed toen al enkele jaren aan een hart- en nierziekte waarvoor hij o.m. door dokter Schamelhout werd behandeld. Behalve aan Van Nu en Straks werkte hij nog mee aan Mercure de France, La société nouvelle, Ontwaking, Onze kunst, Revista d'Arte, Gazette des beaux arts, Burlington Magazine, de Parijse krant L'Humanité en het Italiaanse Avanti. Een bibliografie kan men terugvinden in de geciteerde bronnen.

Gautier, Théophile (° Tarbes, 1811 - ✝ Neuilly-sur-Seine, 1872)

Schrijver, literatuurhistoricus en kunstcriticus.

Raet, Lodewijk De (° Brussel, 1870-02-17 - ✝ Vorst (Brussel), 1914-11-24)

Economist.

Studiegenoot van A.Vermeylen en J.Dwelshauvers op het Brussels Atheneum en aan de ULB, medestudent van J.Dwelshauvers, A.Walravens en H.Köttlitz in het Collegio dei Fiammenghi in Bologna (J.Jacobsstichting) in 1892-1893.

Vermeylen, August. (° Brussel, 1872-05-12 - ✝ Ukkel, 1945-01-10)

Hoogleraar, kunsthistoricus en schrijver. Medeoprichter van Van Nu en Straks. Gehuwd met Gabrielle Josephine Pauline Brouhon op 21/09/1897.

Walravens, Alfred (° Tubize, 1872-11-15 - °)

Geneesheer.

Leerling aan het Brusselse atheneum met o.a. Vermeylen, De Raet, Dwelshauvers en Legros. Studiegenoot van J.Dwelshauvers, H.Koetlitz en A.Vermeylen aan de ULB. Verbleef van 1892 tot 1896 in Bologna met een Jacobsbeurs.