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Monsieur Auguste Vermeylen
Rue Pachéco 81
Bruxelles
BRUXELLES 1 25 OCTO 1892 10-M
 
Mon cher Gust
Tu as absolument raison d[e] dire qu'entre nous il faut pas de lettres ou beaucoup d[e] lettres; écrivons[-]nous done très souvent, et tâchons d'en revenir à savoir toujours, comme autrefois, ce que l'autre pense et fait.
En vérité, je pense qu'il nous serait bien difficile d'en revenir à ce communisme intellectuel fait d'identité d[e] point de vue et d'enthousiasmes que nous donnait l'ancien coude à coude journalier, trop différents sont les milieux où nous vivons, toi au milieu des escarmouches d'avant-garde, moi retiré solitairement sous ma tente.
Batailles d'écoles et solitude: ce sont bien les deux états qui doivent nécessairement pousser à l'absolu et à l'intransigeant les façons de sentir et de penser, mais qui doivent aussi les faire diverger le plus profondément; tu deviendras de plus en plus "progressiste", et je deviens tous les jours un peu plus "réactionnaire".
Mais peu importe, il y a quelque chose de supérieur à cette vie du cerveau, c'est la vie du coeur, et ceux qui les ont vécues ensemble quelques années peuvent être d'opinions contraires, ne plus trouver une manière de juger qui les mette d'accord, ils n'en restent pas moins liés par cette mystérieuse affinité des sentiments qui fait "se comprendre" comme on dit, — et c'est le meilleur lieu; zut pour les [2] amitiés intellectuelles qui ne tiennent qu'à la façon commune d'apprécier Hugo et Racine, et vivent celles qui viennent de joies et de peines partagées, et qui font s'intéresser plus à vos menus faits d[e] la vie qu'à vos opinions littéraires et philosophiques.
Je crois plus à la profondeur d'une amitié entre clérical et socialiste qu'à celle d'une fraternité entre prosélytes d'une même cause.
Tout ce chapitre de psychologie est pour te prévenir que si je suis absolument "hors de mouvement" et si les opinions que m'a faites la solitude se trouvent bien souvent en désaccord avec les tiennes ce n'est là qu'un détail incapable d'influer sur nos rapports qui vont être continuels, n'est[-]ce pas?
Je te préviens d'avance, sachant bien que j'ai tant changé mes manières d[e] voir depuis mon départ de Bruxelles[1] et surtout depuis cette année[,] qu'elles pourraient te paraître singulières; quant au "viscère" il est resté le même, c'est toujours celui d'un enfant égoïste, sans volonté, sans énergie, et dévoré de désirs biscornus.
Maintenant que je me suis re-présenté, causons sérieusement.
J'ai dû interrompre hier soir, je suis allé aujourd'hui à Liège, je puis enfin reprendre cette lettre, qu'en vérité devrait t'être déjà parvenue depuis plusieurs jours.
Je ne sais encore rien de ce qui m'attend pour cette année; je voudrais beaucoup rester à Liège, ce qui, me donnant des loisirs, me permettrait, outre la médecine que j'ai eu horreur d'entreprendre le doctorat en zoologie, qui m'attire beaucoup, surt[ou]t sous les auspices de notre grand professeur E. Van Bunden, d[on]t tu dois connaître au moins le nom.
Mais, voilà le "hic". Papa voudrait que je continue mon système de voyages journaliers d[e] l'an dernier et a pour l'établissement à Liège, une sainte horreur; il m'a pris un abonnement; seulement, si je veux aller tous les matins, comme les cours commencent régulièrement à huit heures, il [3] faudrait partir à 5 h, c'est[-]à[-]dire me lever à quatre heures: je lui ai dit que je ne le ferais pas une seule fois, il n'a rien répondu; Demain je devrais partir avec ce train[-]là: à tantôt l'explication, d'où je sortirai dieu sait comment, mais en tous cas j'en ai assez des voyages.
Les cours ont repris depuis huit jours, et je suis seulement ce matin allé voir ce qui se passait; pendant le mois d[e] septembre, l'excès d'embêtement m'avait fait prendre un avant[-]goût des différents cours, et j'ai constaté que j'ai encore de l'avance.
Et toi, que deviens[-]tu? as[-]tu repris le harnais universitaire? donne[-]moi les détails sur les cours, les professeurs, (mais pas sur les élèves; c'est une race dont il est bon d[e] se tenir le plus loin possible: c'est une mesure d'hygiène et de propreté élémentaire.)
Quant à toi; dis[-]moi ce que tu es devenu pendant les vacances, ce que tu as fait, etc, et en détails!
Moi, résumer ces trois derniers mois serait facile, j'ai trépigné d'embêtement, je n'ai pas quitté Barvaux, je ne me suis pas promené, n'ai reçu personne, à la suite de discussions avec Papa, je n'ai rien lu, rien pensé, sinon que j'étais une méprisable brute, conclusion à laquelle je me tiens, mes syllogismes ayant été irréprochables.
Et je continuerai ce petit train d[e] vie, si un Ukase paternel me cloue encore à Barvaux pendant cette année.
J'ai reçu tantôt une bien longue lettre d'Alfred;[2] il m'explique longuement leur installation d[e] leur vie là[-]bas, et me donne des envies féroces d[e] m'enfuir aussi "au pays où fleurit l'oranger."
Ecris[-]moi, n'est[-]ce pas, sans trop tarder, je t'écrirai aussi bientôt, mais il faut que je m'interrompe pour aller discuter le système le plus pratique p[ou]r étudier l'anatomie.
Je te serre bien cordialement la main, en te promettant une lettre avant peu
Ton vieil ami
Robert

Annotations

[1] Robert Legros was leerling aan het Athenée Royal de Bruxelles, van de vierde Latijnse tot de retorica. Hij zat er in hetzelfde jaar en dezelfde afdeling als o.a. August Vermeylen, Jacques Dwelshauvers en Alfred Walravens, en een jaar lager dan Lodewijk de Raet, die de wetenschappelijke afdeling (Nederlandstalige sectie) volgde. Gegevens via het Athenée Royal de Bruxelles).
[2] Alfred Walravens. De brief werd niet teruggevonden.

Register

Name - person

Dwelshauvers, (Jean) Jacques (° Brussel, 1872-07-09 - ✝ Montmaur-en-Diois (Drôme), 1940-11-14)

Kunsthistoricus en militant anarchist.

Broer van Georges Dwelshauvers en gezel van Clara Köttlitz, met wie hij in 1897 een vrij huwelijk aanging. Deed beloftevolle studies aan het Koninklijk Atheneum Brussel (afd. Latijn-Grieks), waar hij A.Vermeylen leerde kennen. Studeerde 1890-92 natuurwetenschappen aan de ULB (diploma van kandidaat in juli 1892). Met een beurs van de Jacobsstichting vatte hij in oktober 1892 studies in de medicijnen aan te Bologna, samen met de latere geneesheren Herman Köttlitz en Alfred Walravens. Hij verliet Bologna in 1897, zonder de hele cyclus te hebben beëindigd.

In hetzelfde jaar begonnen de eerste strubbelingen met Gust Vermeylen, i.v.m. diens huwelijk met Gaby Brouhon en de strekking en inhoud van Van Nu en Straks. Het jaar daarop maakte hij een nieuwe reis naar Bologna en Bergamo. In het voorjaar van 1899 trok hij met Clara naar Firenze, waar hij zich voortaan geheel aan kunsthistorisch onderzoek wijdde, geboeid door de figuur van Botticelli en de kuituur van het Quattrocento. Hij zou in Firenze ook nog de toelating hebben gevraagd zich voor de eindexamens geneeskunde aan te bieden, maar legde die nooit af. Zijn verblijf in en om Firenze (afwisselend te Calamecca en te Castello), dat tot 1906 duurde, werd regelmatig onderbroken voor reizen naar het thuisland, en naar Parijs.

In 1899 werd te Antwerpen trouwens zijn zoon Lorenzo (Jean-Jacques Erasme Laurent) geboren (op de akte tekende o.m. Emmanuel de Bom als getuige), en het gezin was er officieel ingeschreven aan de Montebellostraat 3 tot 1906. In dat jaar, verhuisden zij naar Colombes bij Parijs (Boulevard Gambetta 46, niet-geregistreerde verblijfplaats). Dwelshauvers, die zich intussen Mesnil noemde (naar twee dorpjes bij Dinant, de geboortestad van zijn vaders familie), onderhield er nauwe contacten met de anarchistische en internationalistische beweging. Hij verdiende de kost met het schrijven van reisgidsen, eerst bij Hachette (o.a. de Guide Joanne - na W.O.I Guide Bleu - over Noord-Italië), nadien bij Baedeker.

Tussen 1910 en 1914 vestigde het gezin Mesnil zich te Alfort bij Parijs, waar - gezien zijn moeilijkheden met de geheime politie - evenmin een officiële inschrijving werd genoteerd. Jacques Mesnil stierf in niet opgehelderde omstandigheden te Montmaur, waar zijn zoon toen zou hebben gewoond; hij leed toen al enkele jaren aan een hart- en nierziekte waarvoor hij o.m. door dokter Schamelhout werd behandeld. Behalve aan Van Nu en Straks werkte hij nog mee aan Mercure de France, La société nouvelle, Ontwaking, Onze kunst, Revista d'Arte, Gazette des beaux arts, Burlington Magazine, de Parijse krant L'Humanité en het Italiaanse Avanti. Een bibliografie kan men terugvinden in de geciteerde bronnen.

Legros, René Robert (° Barvaux, 1872-11-05 - ✝ Barvaux, 1933-07-29)

Geneesheer.

Liep school op het Athénée Royal van Luik en, van de vierde Latijnse tot de retorica, op het Brusselse Atheneum, waar hij bevriend raakte met o.m. A.Vermeylen, J.Dwelshauvers en L.de Raet. Studeerde nadien geneeskunde aan de UEL (1890-1897). Publiceerde verzen in de Almanach des étudiants. Almanach de l'Université libre de Bruxelles (1891).

Raet, Lodewijk De (° Brussel, 1870-02-17 - ✝ Vorst (Brussel), 1914-11-24)

Economist.

Studiegenoot van A.Vermeylen en J.Dwelshauvers op het Brussels Atheneum en aan de ULB, medestudent van J.Dwelshauvers, A.Walravens en H.Köttlitz in het Collegio dei Fiammenghi in Bologna (J.Jacobsstichting) in 1892-1893.

Vermeylen, August. (° Brussel, 1872-05-12 - ✝ Ukkel, 1945-01-10)

Hoogleraar, kunsthistoricus en schrijver. Medeoprichter van Van Nu en Straks. Gehuwd met Gabrielle Josephine Pauline Brouhon op 21/09/1897.

Walravens, Alfred (° Tubize, 1872-11-15 - °)

Geneesheer.

Leerling aan het Brusselse atheneum met o.a. Vermeylen, De Raet, Dwelshauvers en Legros. Studiegenoot van J.Dwelshauvers, H.Koetlitz en A.Vermeylen aan de ULB. Verbleef van 1892 tot 1896 in Bologna met een Jacobsbeurs.